Les
voies du Graal (1)
|
|
Si Walter
Map et le phylactère de Notre Dame
de Marceille peuvent nous mettre sur la voie du fabuleux Graal, il nous
faut essayer de comprendre ce que peut bien signifier le mythique objet,
évaluer sa possible réalité physique et terrestre, enfin tâcher de
percevoir si les hommes et lieux de nos mystères du Razès nous
rapprochent de lui. |
|

|
Détail
de "La crucifixion"
(seconde moitié XIVe siècle) Matteo
Giovannetti |
|
Mais que
peut bien être le Graal ?
Nous connaissons les
extrapolations multiples avancées le plus souvent par des britanniques
et qui en font un sang royal - sang real -san greal, symbole d'une lignée christique.
Ils oublient cependant de préciser plusieurs points pourtant amplement
soulignés dans les histoires relatives au Graal.
Tout d'abord ce Graal apparaît dans le "conte du Graal" un
jour de Pentecôte, jour où le Saint-esprit descendit sur les
apôtres pour les chrétiens et où Moïse reçut les tables de la loi
pour les juifs. Il est comme l'écrit Etienne Gilson : "La
grâce du Saint-Esprit", associé à la colombe.(1)
Ensuite, il sert "à grée" selon Robert de Boron, c'est-à-dire que par lui les
désirs en nourritures bien terrestres de chacun sont comblés. Enfin,
il disparaît aussi vite qu'il apparaît et seul Galaad finira au terme
de sa quête par connaître sa nature profonde puis demandera à mourir
comblé.
Mais dans tous les cas (ou presque), il est figuré par une coupe, un
plat, un calice ou un ciboire (grazal en langue d'oc - gradalis ou
gradale).
Tous les cas sauf un !
Wolfram d'Eschenbach le décrit, lui,
comme une émeraude, tombée du ciel et sur laquelle repose une hostie,
veillée par le Saint-Esprit sous la forme traditionnelle d'une colombe.
Mais
quelle que soit la légende, la coupe apporte à celui qui la possède, qui
en boit le contenu, l'immortalité.
C'est donc par de surprenants détours et interprétations que cet objet mystique et
littéraire devient "Marie-madeleine" elle-même !!
Il ne faut cependant pas renier le rôle prépondérant de la sainte qui
à plus d'un titre est liée au Graal, nous y reviendrons.
|
|

|
""Imago
pietatis" (1400) Maître
de la Madone Strauss |
|
Selon
l'interprétation chrétienne, le Graal est donc le calice qui servit à
la Cène et dans lequel Joseph d'Arimathie recueillit le sang et l'eau
qui s'épanchaient de la blessure au côté que fit au Christ mort le
centurion Longin.
C'est pourquoi Perceval, qui ne croisera le Graal qu'au château du roi pêcheur, assistera
muet au défilé d' un étrange cortège porteur d'une lance qui saigne,
de deux chandeliers, du Graal et d'un tailloir. |
|
|
|
Tous les exégètes de ces textes du cycle arthurien s'accordent
cependant à penser que les textes originaux ont très certainement
connu une "christianisation" de mythes celtiques antiques.
Plusieurs objets de la mythologie mondiale reprenaient les mêmes caractéristiques
nourricières que le Graal :la coupe de Djemchid en Perse, les chaudrons
de Ceridwen, du Dagda et celui de Branwen
capables et de nourrir à satiété et de ressusciter les morts. Le
chaudron du Dagda étant tout comme le Graal, accompagné de la lance de
Lug.
Mais Kenneth Jackson, professeur de
littérature celtique, s'élève contre une origine purement celtique des
romans du Graal. (2) Et, il se pourrait bien qu'il ait raison car dans le
Perceval de Chrestien de Troyes, Perceval reçoit d'un ermite les noms
secrets de notre seigneur. Ce questionnement sur le véritable nom de Dieu
est une tradition purement judaïque et tendrait à montrer qu'une source
orientale vient se mêler au cycle arthurien proprement dit, en tout cas
dans cette continuation ou, selon Wolfram d'Eschenbach, authentique
ré-écriture de l'histoire originale incomprise.
|
|
|
En
effet, Wolfram d'Eschenbach dans son Parzival, nous
indique que Kyot, son maître, a rencontré un certain Flegetanis, un
juif de la lignée de Salomon (felek Daneh peut signifier astrologue en
persan) qui vit dans les astres le Graal. Des anges selon ce Flegetanis,
le déposèrent sur terre où depuis il est sous la surveillance
d'hommes purs. Ces hommes, Kyot les retrouva après de longues
recherches en Anjou.
(C'est dans la cathédrale d'Angers que l'on a retrouvé un fer à
hostie du XIIe siècle où l'on voit les gouttes de sang coulant
du sang du Christ se transformer en roses).
Le Graal est pour Wolfram "Lapis exillis", lapis pour pierre
certes, mais exillis a donné lieu à de multiples interprétations :
lapis ex-coelis en est une qui signifierait "pierre tombé des
cieux". Étrange écho d'un blason qui orne le seuil de l'église
de Bérenger Saunière (voir ici)
En essayant de trouver une synthèse à ces différentes
interprétations et récits autour du Graal, il pourrait donc en
ressortir les concepts de réceptacle, de pierre, et de vie éternelle.
Grands symboles représentatifs de toute éternité de la quête
alchimique.
Cette source de vie éternelle, fruit d'un savoir intimement lié à la
pureté de l'esprit fut accordée à hommes droits et purs. Et, on ne peut
plus ne pas évoquer la mystérieuse pierre
philosophale des alchimistes et la transmutation des métaux chère aux
Rose-Croix.
Bon nombre d'exégètes de Wolfram
d'Eschenbach ont d'ailleurs vu dans les milices templières ces preux
gardiens. Mme Jacquette Lucquet-Juillet (3) discerne une continuité probable
par le mouvement souterrain des Rose-Croix et écrit :
"l'identification de l'ordre du Graal avec celui du temple ne fait
aucun doute."
Ainsi se dessine une filiation discrète, ainsi peu à peu remonte-t-on
les marches du temps...
C'est donc vers ces grands symboles alchimiques qu'il conviendra d'orienter notre
recherche maintenant.
Christian Attard
|
vers
Graal 2 |
Notes
et sources :
(1) - La légende du Graal dans les littératures européennes. Michel
ZInk - le livre de poche
(2) - Kenneth
Jackson - Les sources du roman du Graal. Éditions du CNRS 1956 -
(3) - Le Graal et le temple -Jacquette Luquet-Juillet - Le mercure
dauphinois- 2000
|
|
Retour
vers la Reine |
|