Un
tableau de Notre Dame de Marceille me plait beaucoup, il représente la
fuite en Égypte de la Sainte Famille. Seul
l'évangéliste Mathieu relate cet épisode (1) dont de nombreux peintres
et Nicolas Poussin s'inspireront.
Rappelons rapidement que Joseph prévenu par un ange qu'Hérode s'apprête à massacrer
les enfants males du pays, pour préserver
son trône, emmène Marie et Jésus se réfugier en Égypte. Passons sur
les incohérences historiques pour ne retenir une fois encore qu'une
mise en conformité de la vie de Jésus avec les textes prophétiques de
la Bible.
Mais ce qui charme et étonne dans la figuration de Notre Dame de
Marceille de cet épisode ensablé est bien une douce naïveté, une fraîcheur
enfantine du trait et du propos. Marie porte l'enfant Jésus et sur
certains tableaux lui donne le saint, Joseph conduit l'âne avec l'aide
de l'ange qui guidera leurs pas à travers le désert. Un autre enfant
tend les bras vers un ange comiquement perché sur la branche d'un
palmier et qui semble abattu par la chaleur.
Certains peintres ont associé dans cette fuite St Jean Baptiste et il
se peut, qu'ici aussi, ce soit lui l'enfant aux bras levés.
Nombreux sont les tableaux qui figurent les anges nourrissant la Sainte
famille ou veillant sur elle. |
Sur ce
tableau de 1627 de Nicolas Poussin exposé au Metropolitan Museum of Art,
on retrouve effectivement le petit Jean portant son traditionnel
phylactère non loin de l'agneau qui souvent l'accompagne. Des anges
(sans ailes) cueillent fruits et fleurs dans une représentation au fond
tout aussi naïve que celle de Notre Dame. Mais ici, on peut constater le rôle actif des anges,
alors que notre ange perché de Notre Dame de Marceille est
particulièrement amorphe. |
Nicolas Poussin les fait
récolter les fruits d' un arbre qui a su trouver racines près d'une source
fraîche, rien de
tel à Notre Dame de Marceille. Le paysage est aride et seul sur son
palmier notre angelot semble indifférent à la Sainte famille.
Il est
dès lors intéressant de chercher à savoir quel est la symbolique des
éléments de ce tableau et tout d'abord celle du
palmier. Voici ce que nous en dit l'incontournable Fulcanelli :
"Le palmier et le dattier, arbres de la même espèce, étaient
connus des Grecs sous le nom de Phoenix... ils figurent les deux Magistères..."
Voici
ce que nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française,
version Robert à propos de l'étymologie du mot Phénix :
Phénix : réfection savante de fénix (1121) emprunté au
latin Phœnix, lui-même emprunté du grec phoinix (l’oiseau), peut-être
dérivé de phoinos, « couleur pourpre ». Appliqué par métaphore
à une personne unique, exceptionnelle (1176-1181). Ce
sens s’étend en langue classique à une chose (1668), et est d’un
emploi ironique et négatif. L’analogie d’aspect a fourni l’ancien
nom du paradisier (1874). Le sens de « palmier ornemental »
(1690) est un emprunt indépendant''.
Voilà qui est d'autant plus surprenant qu'en alchimie le Phénix est
symbole du troisième oeuvre et signe la renaissance après la mort
symbolique dans l'œuf philosophale de la Pierre. Oeuvre au rouge ou
Rubedo, tous les alchimistes s'accordent à donner à la Pierre qui en
résulte la couleur rouge, "incarnat tirant sur la cramoisi"
nous précise Basile Valentin.
Pierre que semble bien tenir entre ses doigts notre petit ange !
Et un angelot, est "volatil" par excellence puisque doté
d'ailes. Cependant, ici il semble enfin se "fixer" pour un
repos bien mérité, tenant de sa main la précieuse Pierre qui ne
semble intéresser que Jean.
Bien sûr, on pourra arguer que tout ceci n'est qu'extrapolation
pré-orientée. Mais notez bien qu'il n'y a absolument aucun fruit sur
le palmier de l'angelot et qu'encore, il est fort possible que nous ne
soyons pas en l'entière possession du message qu'a désiré nous
délivrer l'auteur de cette étrange représentation car au pied de
l'âne une zone grisée est peu naturelle, peu compréhensible.
Enfin je vous prie de pardonner les très possibles erreurs que je dois
commettre n'étant pas et de loin un spécialiste en Alchimie. Aussi, je
vous serai très reconnaissant de me faire part de vos remarques et
rectificatifs à ce propos en m'écrivant (voir
ici mon adresse).
Mais, ce sanctuaire décidément nous réserve bien des étonnements !
Christian Attard
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