Un balustre sur la sellette




La cahe du balustre
 


La cache du balustre de l'ancienne chaire de l'église de Rennes-le-Château ?




Un objet devenu emblématique, vient de faire son entrée dans le petit musée installé dans l’ancien presbytère du curé de Rennes-le-Château. Ce « balustre » aurait recélé dans une cache secrète une fiole de verre qui aurait contenu un parchemin. Rien ne semble pourtant aussi sûr que veulent bien le croire visiteurs et chercheurs.




Une colonne d'antiquaire
Une colonne Napoléon III chez un antiquaire


En effet, si l’on tente de retrouver mention d’une pièce aussi importante dans cette énigme aujourd’hui centenaire, les difficultés commencent.

Ainsi, Noël Corbu dans un texte qu’il enregistre pour sans doute ne pas avoir à le répéter ou peut-être pour être diffusé en son absence à ses hôtes de l’hôtel-restaurant de la Tour qu’il a ouvert sur l’ancien domaine de l’abbé Saunière, ne le mentionne pas. S’il évoque bien un pilier de soutien du maître hôtel dans lequel sont retrouvés des parchemins, il ne dit rien de ce balustre. Voici la retranscription de ce passage :


« En ce même mois de Février 1892, le maître autel de l'église actuelle tombant en ruines, il avait demandé une aide au conseil municipal qui la lui avait accordée pour le remettre en état. Les ouvriers le démontant trouvèrent dans un des piliers des rouleaux de bois contenant des parchemins. L'Abbé immédiatement alerté s'en empara et quelque chose dût retenir son attention car il fit arrêter immédiatement les travaux. Le lendemain, il partait en voyage pour Paris dit-on, mais nous n'en avons aucune confirmation. »










Le nouvel autel commandé aux établissements Mona fut facturé en fin juillet 1887, on le voit le récit de Noël Corbu est peu fiable au niveau de la datation des travaux. Quoiqu’il en soit, Bérenger Saunière les commença bien par cet autel financé par un don de Mme Cavailhé.

Voilà qui est étrange. Comment Noël Corbu peut-il oublier de mentionner un balustre dans lequel une cache secrète devient beaucoup plus mystérieuse que celle du traditionnel sépulcre d’un des piliers de maintien de l’autel ?
Est-il, lui si proche des témoins du temps, si mal renseigné qu’il en oublie ce fameux « balustre » ?
Et à la mort de Marie Denarnaud, en supposant que celle-ci ait caché ce balustre, ne l’aurait-il pas lui trouvé ?



Tête de colonne

Tête de colonne Napoléon III chez un antiquaire





En 1989, FR3 Montpellier réalise un documentaire de 30 mn sur l’Affaire et interroge M. Barthèlèmy Captier, en mentionnant qu’il était autrefois enfant de chœur de l’abbé Saunière (à 9mm 42 du début du document visible sur le site de L’INA) voici ce qu’il déclare :

« Mon grand-père était… sonnait les cloches, quoi… Et alors, eh bé soit disant que c’est lui qui aurait trouvé une fiole avec un parchemin dans un pilier de l’église quand il arrangeait l’église. Et alors comme il savait pas lire le latin, il l’a donnée à l’abbé. »

Il ne fait donc pas mention, lui non-plus, de ce balustre et pourtant, il est le petit fils de celui qui y aurait trouvé une fiole, à moins que dans son esprit pilier et balustre ne soit la même chose. Henry Lincoln, toujours bien renseigné ne l’évoque pas d’avantage dans ses premiers ouvrages sur Rennes. Quand donc apparaît pour la première fois ce fût de bois sensé avoir soutenu la chaire que l’abbé Saunière décida de remplacer en janvier 1891 ?





barthélémy Captier



En fait, nul n’en sait rien. Gérard de Sède finit par mentionner le pilier et la découverte de la marmite sous la dalle du Chevalier en indiquant que les souvenirs ont pu se mélanger avec le temps. Mais marmite et balustre arrivent bien tard.

Si l’on analyse le balustre, il ne paraît pas en tout cas très ancien. Sa facture simple est de style Napoléon III, comme le montre à l’évidence des objets similaires trouvés dans des églises du XIXe siècle. Plusieurs antiquaires proposent même des colonnes de style néoclassique qu'ils datent de la fin de XVIIIe siècle dans leur cataloque.

Mais bien d’autres questions viennent à l’esprit à son propos : comment un prêtre a-t-il pu seul retirer un support de chaire au risque qu’elle s’écroule, travailler le bois et aménager une cache alors qu’il n’est pas menuisier et remplacer l’ensemble sans que ses paroissiens ne remarquent la manœuvre ? Et quitte à aménager une cache avait-elle le besoin d’être aussi sophistiquée ?
Un simple trou fait à la tarière et rebouché habilement n’était-il pas suffisant ?
Enfin, la cache était-elle faite pour soi ou pour un autre ? Gélis, le curé assassiné de Coustoussa a prouvé qu’il était possible de truffer sa maison de caches sûrement moins élaborées.  Fallait-il attendre la réfection totale de la chaire pour accéder à ce document au risque qu’il tombe en de mauvaises mains ?

Tout cela n'a guère de sens. Les traits de coupe visibles de part et d'autre de l'entaille sont droits et ressemblent finalement beaucoup plus au travail exaspérant de pseudos chercheurs ayant eu la volonté de sonder un objet encore présent à son état d'origine dans l'église. Plutôt saccage que cache.

Affabulations que tout ce qui vient d'être écrit ? j'entends déjà le choeur des outrés. Comment ose-t-il ?
Avant d'en passer à ce stade. Je vous convie à analyser les deux photos suivantes :




Au fond de l'entaille





Celle de gauche représente le balustre tel que l'on peut le photographier aujourd'hui. Celle de droite est issu du site de l'excellent André Galaup à qui je demande par avance de pardonner cet emprunt. C'est la plus ancienne image du balustre que j'ai trouvée. Vous ne remarquez rien ?
Le logement de la fiole de verre est inexistant à droite. L'éclat de bois ne laisse apparaître que le bois nu !

Aussi, pour toutes autres déductions qui dès lors s'imposent comme évidence, je vous laisse seuls maîtres...

Christian Attard
Ce 17 juillet 2017





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