Un bien embarrassant sautoir

Le 28 avril 2007, à la grande surprise des personnes assistant à l'assemblée générale de l'association d'Antoine Captier : "Terre de Rhedae" était présenté un sautoir de franc-maçon "retrouvé" dans une malle ayant appartenue à Bérenger Saunière.

Cette présentation est certes bien "tardive" et nous pouvons nous étonner que M. et Mme Captier, dont aucun chercheur n'a jamais remis en cause la probité, aient tant hésité à produire une pièce si déterminante dans la compréhension de l'affaire.

Déjà André Douzet avait affirmé être en possession d’un extrait des présents aux ‘tenues’  d’une loge martiniste et maçonnique lyonnaise. En effet, les Frères présents qu'ils soient membres de la loge ou invités  s’inscrivent sur un registre. Mais ce document n'a malheureusement pas été produit en public à ce jour, à ma connaissance.

Le "sautoir" retrouvé

Bien que le sautoir en question nous ait été présenté comme étant celui d'un chevalier Rose-croix, soit le 18ème degré parmi les 33° du Rite Écossais Ancien et Accepté, le 92° du rite de Memphis ou le 97° de Memphis-Misraïm, ce qui semblait en l'occurrence raisonnable car ce degré, bien à part, à une forte connotation spécifique et chrétienne, rien ne le laisse penser à l'examen de la pièce de tissu.
 
Et j'ai bien peur que quelques déductions et analyses ne nous poussent vers une autre réalité.

Première constatation, la couleur du collier est bleue alors que la couleur du grade de Rose-Croix est généralement le rouge.
 
Le fond du camail reprend en principe la couleur traditionnelle du Rite, il est ici bleu très certainement pour le Rite français, mais on trouve aussi cette couleur dans Rite Écossais rectifié. 
Cependant dans le Rite français, construit autour du concept Rose-croix, il existe bien aussi un degré correspondant au Souverain Rose-croix : le septième et dernier. Mais là encore, notre ornementation ne correspond pas aux symboles habituellement utilisés : roses et croix, pélicans, aigles.

Non, l'ornementation comparée à ce que l'on peut voir, par exemple sur le site du Musée maçonnique de la Grande loge de France (1), nous laisserait plutôt penser que nous nous trouvons en face d'un sautoir de : ..."Vénérable maître".

Le sautoir représenté ci-dessous, et dont on peut voir des images très similaires sur différents sites internet (2) ou livres consacrés à la Franc-maçonnerie, est bien un collier de Vénérable Maître. La comparaison avec celui retrouvé dans les affaires de Bérenger Saunière est édifiante. Même couleur bleue, même Delta au G central, même décoration de rameaux et feuilles d'acacias ! 
Seule la présence d'un liseré rouge pourrait qualifier un Rite Écossais Ancien et Accepté, mais il ne semble pas exister sur les photos disponibles.

Un "sautoir" de Vénérable Maître

Le Vénérable maître d'une loge est l'homme qui mérite le respect : le vénérabilis. C'est un Officier, le premier d'une loge symbolique.
Il porte donc sautoir et sur son tablier une équerre accompagnée d'un ou de plusieurs Taus (chers à St Antoine et symboles de rectitude). Il convoque et préside l'atelier, dirige les travaux et représente sa loge dans toutes cérémonies ou délégations. Il doit en outre surveiller l'administration, contrôler secrétaires et trésorier. C'est en réalité la personne la plus importante de tout l'ordre la seule qui peut conférer l'initiation.

Comment un tel objet, si personnel a pu se retrouver là ?

Plusieurs hypothèses restent plausibles :

la première et la plus improbable étant qu'il appartenait tout simplement au propriétaire de la malle. Hypothèse qui rejoindrait les dernières déclarations décalées de Gérard De Sède.

Une autre en ferait une possible "prise de conversion" mais cette supposition est bien faible.
Enfin, il n'est pas impossible d'envisager un canular. 
Canular qui aurait malheureusement servi d'appui, avec les surréalistes lectures des signes de l'église à toute une littérature faisant table rase de tout bon sens et oubliant les sympathies royalistes des frères Saunière.

Christian Attard