Salamandres
et basilics
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Les deux
basilics du bénitier de l'église de Rennes-le-Château (photo
Christian Attard)
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J'ai
souvent lu ou entendu qu'il convenait de "voir" le célèbre
bénitier de l'église de Rennes-le-Château avec des yeux d'enfant pour
en comprendre le "codage". Rien ne me semble plus faux !
A mon sens, bien au contraire, ce même assemblage de symboles puissants
ne s'adresse qu'à ceux qui ont "des yeux pour voir".
A l'exemple de ces deux basilics qui se reflètent sur l'eau du vase
sacré.
Depuis l'importante découverte de mon ami François Pous, nous
savons que les ateliers Giscard ont tout bonnement repris tout le bas d'un
de leur chemin de croix en grand relief pour composer la partie du
bénitier comprenant ces basilics. Mais qu'est-ce qui a bien pu conduire
à ce choix ? Fut-il purement esthétique ou le fruit d'une décision liée à
la disponibilité de représentations fournies par un catalogue du
statuaire ?
Cache-t-il une connaissance plus profonde subtilement véhiculée ?
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Document François Pous
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Le Chemin
de croix des catalogues Giscard dont on voit, sur le bénitier de Rennes,
la reprise pour toute la partie basse.
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Je
n'ai pas lu grand chose à propos de ces basilics dans la littérature
castelrennaise, à l'exception d'André Douzet qui lui au moins ne les
prend pas pour des salamandres, et de Pierre Plantard dans sa préface à
la vraie langue celtique . Voici
ce qu'écrivit Plantard :
"Les deux
prêtres ont signé ce travail, car au-dessus du diable, soutenu par deux "basilics"
(petits rois) liés d’un anneau, se trouve un cachet rouge aux
lettres d’or "B.S.", initiales de Boudet-Saunière."
C'est bien
maigre, mais au moins l'ésotériste a-t-il correctement identifié deux
basilics en lesquels, avec ses obsessions habituelles, il ne semble
retenir qu'un critère royaliste.
Pour le reste : BS comme Basilic et Salamandre, Boudet et Saunière (comme
si deux prêtres pouvaient avoir l'outrecuidance de signer de leurs
initiales un bénitier !), Blanque et Sals... laissons tous cela aux
naïfs !
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On
ne peut confondre les basilics de Rennes-le-Château avec des salamandres,
entièrement reptiliennes
d'aspect. Ici, crête, bec et narines signent bien un basilic et non une
salamandre. Notons qu' il est très rare de trouver des basilics sur des
blasons et encore plus sur des bénitiers !
Le basilic trouve son étymologie dans le grec basilískos,
diminutif de basileús qui signifie en effet roi, petit roi. A
l'origine, ce nom était peut-être tiré de celui de la plante royale
consacrée à écarter maux et démons. Plante royale et terminaison
grecque en "coq", tout cela a peut-être donné naissance au
terme de basilicoq utilisé au moyen-âge pour désigner cet
antique animal fantastique mi reptile, mi-coq.
Gallien, Pline, solin, Avicenne, Albert le Grand ont tous décrit le
basilic, roi des serpents ou suppôt de Satan pour St Augustin. Les
psaumes l'évoque :
Les anges te porteront
pour qu'à la pierre ton pied ne heurte ;
sur le lion et le basilic tu marcheras,
tu fouleras le lionceau et le dragon.
Psaumes, 90, 12-13
Dans
cette dernière acceptation chrétienne que peut-il bien faire sur un
chemin de croix ou au-dessus
d'un bénitier, lui l'animal que le Sauveur doit écraser du pied ?
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Porche du
Sauveur de la Basilique d'Amiens, illustrant le psaumes 90. (1)
On y voit le Christ écraser du pied lion et basilic, lionceau et dragon.
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Basilic
ou cocatrix contre belette dans l'Aurora Consurgens texte alchimique du Xème
siècle
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Selon
la légende, ce monstre avait le pouvoir de "pétrifier" d'un
seul regard le malheureux qui le rencontrait. Le toucher d'une lance ou
d'un bâton permettait à son venin de se répandre dans l'objet et d'en
atteindre les plus secrètes parties. Son haleine pestilentielle était
tout aussi mortelle.
Tel Persée usant de son bouclier comme d'un miroir afin de renvoyer le
regard assassin de la Méduse, celui qui voulait tuer le basilic n'avait
d'autre ressource alors que de lui renvoyer son image. La belette ou
l'hermine au ventre blanc seules pouvait en venir à bout.
Ne prenez surtout pas tout cela au premier degré, vous feriez erreur car
tels les contes des frères Grimm, une réalité bien plus subtile se vêt
de ces belles images que l'on nous donne à voir. Rien n'est choisi au
hasard dans ces cas là, tout est soigneusement réfléchi et placé.
L'illustration ci-dessus, reprise de l'Aurora Consurgens, tirée
elle-même d'un texte arabe très ancien, représente cette lutte entre le
petit animal d'un blanc immaculé (accompagné de son miroir frangé de
rouge et de vert) et l'être hybride fixe et volatil à la fois qu'il
parviendra à vaincre. La petite hermine n'est pas effrayée par le
Basilic, elle qui vient de tuer un serpent au sang aussi rouge que pierre
de cinabre (comme le disait Pline, décrivant le Basilic dans son histoire
naturelle). Voilà qui devrait aussi faire réfléchir ceux qui ont parlé
de Sainte Hermine et ont pris l'hagiographie de la sainte au premier
degré, à l'instar de Patrick Ferté (2)
Bien sûr, tout cela n'est qu'allégories, jeux de mots et de cabale,
utilisés où il le faut et non ailleurs.
Alors, ne doit-on pas s'interroger sur la double présence sur les chemins
de croix Giscard et sur le
bénitier de Rennes-le-Château de ces basilics, reflétés ici autour du
blason central au fameux "BS" ? Ceux qui le feront ne
manqueront pas aussi, à cette nouvelle lumière, de retrouver sur ce
même ensemble d'autres symboles eux-aussi associés à cette éternelle quête.
De quelle connaissance disposait les concepteurs de ces figures pour les
avoir ainsi utilisées et reproduites ?
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St Antoine et le
basilic ?
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A ce propos, Saint Loup de Troyes, présent dans Notre Dame de
Marceille (voir ici) a lui aussi
tué, selon une même improbable légende, un monstre très proche du
basilic, le cocatrix.
Ce St Loup n'est pas très éloigné dans le sanctuaire marial d'un
archange St Michel terrassant son
dragon et en face d'un St Antoine
qui autrefois fut surpris en son érémitique solitude par un ou des monstres ailés
(basilics à tête de coq, pourquoi pas ?). Et nous serons étonnés
de découvrir bientôt, ensemble, un autre saint tueur de dragon à
...Notre Dame du Cros.
Christian
Attard- Ce 28 décembre 2008
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Note
et sources
(1)
Bulletin monumental - M. de Caumont Paris 1845
(2) Patrick
Ferté - Arsène Lupin, supérieur inconnu -Guy Trédaniel éditeur page
190-191
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